Aurions-nous enfin compris la puissance et le potentiel de l’industrie du jeu vidéo ? Considéré comme un art mineur encore récemment, ce sont plusieurs événements de portée internationale autour du jeu vidéo qui se tiennent dans l’hexagone depuis le début de l’année. Cette semaine, Paris-La Défense accueille la GDC 08, la “Game Developer Conference 2008″, considérée comme la rencontre incontournable pour tout ce qui compte en créateurs, producteurs, intervenants et développeurs de jeux vidéo et loisirs interactifs.
Le secteur, qui enregistre une croissance quasi exponentielle de son chiffre d’affaires, mais aussi du nombre d’emplois qu’il génère, connaît également des évolutions extrêmement rapides en matière d’inventions et de développements technologiques. La GDC est en quelque sorte le rendez-vous bi-annuel permettant à tout un chacun de se faire une idée de l’état de l’art et du marché, mais aussi de faire ses courses parmi les technologies émergentes ou les jeunes studios créatifs et de nouer des partenariats pour le développement de futurs titres.
En France, et notamment grâce aux pôles de compétitivité “Imaginove” et “Cap Digital” - qui sont d’ailleurs sponsors de la GDC à Paris -, ou encore avec la montée en puissance de filières d’études - avec notamment l’ENJMIN (Ecole Nationale du Jeu et des Médias Interactifs Numériques) -, le retard accumulé depuis plus de quinze ans est en en train de se résorber. Mais un véritable effort des pouvoirs publics, comme on a pu le voir au Canada - notamment à Montréal il y a 10 ans ou plus récemment en Ontario - finiraient de lancer une industrie prête à supplanter celles du cinéma et de la télévision réunies.
Ramassé sur deux jours, le planning de la GDC est on ne peut plus dense. Et le nombre de participants est à ce point important, que les salles réservées pour l’occasion au “Coeur Défense” n’y suffisent pas. Oubliés les cafés et jus d’orange à l’entracte, il faut foncer dès la fin d’une conférence pour espérer trouver une place assise dans la suivante. Il faut dire que certains studios français - trop heureux de la présence d’un tel événement à Paris - l’ont joué “journées portes ouvertes”, inscrivant d’office et incitant leurs employés à venir écouter la bonne parole des experts et pointures dans le domaine.
Ainsi se sont succédés Rob Pardo de Blizzard (Starcraft, WoW) , Ben Cousins de DICE (Battlefield) ou encore Mark Healey, un “vieux de la vieille” de chez Bullfrog, Lionhead, Valve, etc. pour ne citer qu’eux. Et les sujets, très techniques, tournent autour du game et level design, des moteurs de rendu, de textures, de couleurs, d’éclairages, ou encore de génération procédurale des univers virtuels, mais aussi - et c’est là une petite nouveauté - de gestion de flux et d’équipes, de politique de financement ou d’abolition de frontières entre jeux vidéos et films.
L’événement est d’ailleurs à ce point intéressant, qu’on assiste pour cette première à Paris à une sorte de “GDC off” : C’est ainsi que Stéphane Natkin, directeur de l’ENJMIN profitera de la disponibilité d’une salle entre midi et deux pour organiser une présentation de son école, de la filière et de ses ambitions : l’ENJMIN, institut du CNAM qui délivre un master de chefs de projets ou de responsables d’équipes, doit, selon Natkin qui s’y emploie tel un “jeuvangéliste”, devenir une école nationale au même titre que la FEMIS pour le cinéma.
Au vu de la qualité des étudiants formés, les studios eux l’ont déjà compris et n’hésitent pas à embaucher même avant la fin du cursus. Car le secteur est de plus en plus gourmand en ressources humaines : l’ENJMIN, basée à Angoulème, noue des partenariats universitaires un peu partout dans le monde, participe à la création d’une école à Casablanca en collaboration avec Ubisoft, et prévoit surtout de créer rapidement une grande école dans la capitale.
Car le jeu vidéo, véritable champ expérimental des médias du 21e siècle, mûrit et voit son industrie se professionnaliser. Il est donc plus que temps pour la France de passer à la vitesse supérieure en faisant aboutir cette indispensable école nationale, en ayant une politique de crédits d’impôts agressive - ceux-ci étant (enfin) mis en place depuis le 31 mai - et en développant des pôles de compétitivité forts et incontournables.
Olivier Dumons playtime.blog.lemonde.fr